J’ai découvert les principes de l’effectuation récemment, en tant qu’entrepreneure depuis une petite année, j’avais sans doute besoin de me rassurer sur une méthode pragmatique pour mener mon activité. Me débarrasser des injonctions que j’entendais partout : « « Tu as fait ton business model ? quels sont tes objectifs de CA à 6 mois,12 mois, 18 mois ? Ta stratégie marketing ? … » Toutes ces méthodes cartésiennes et académiques qui rassurent les banquiers, experts comptables, … Moi, à part me stresser et me culpabiliser, je me demandais bien comment pouvait-on s’en passer ?

J’ai trouvé une piste avec les repères posés dans la méthode effectuale (proposée par Philippe Silberzahn, formateur/chercheur à l’EM Lyon) et qui déconstruit tout le mythe des entrepreneurs à succès. A savoir, nous sommes des têtes brûlées (nous aimons les risques), nous sommes des visionnaires (THE BIG IDEA), nous sommes des oracles (experts en prévision), nous sommes des solitaires (seul on avance plus vite ?) et nous sommes pourvus de qualités surnaturelles ! Et ben non ! OUF, ça ôte pas mal la pression !

Les entrepreneurs sont plutôt des gens normaux, qui vont accepter une perte raisonnable sur un temps limité, vont savoir s’entourer de partenaires, vont tirer le fil d’un besoin, d’une problématique rencontrée et construire des solutions, nouvelles propositions par étapes avec d’autres au gré de leurs échanges. Ils vont savoir tirer opportunité des « surprises » qu’ils vont rencontrer en ayant comme mantra «la meilleure façon de prédire l’avenir, c’est de le CREER ». Plutôt simple comme démarche.

En tout cas, moi je m’y retrouve bien. Je me suis effectivement donnée 2 ans pour faire décoller mon activité de conseil/formation (mon double objectif : me verser un salaire décent en me faisant plaisir). Je suis partie à la recherche de clients, de partenaires pour réaliser des missions en m’appuyant sur mon expertise et mon réseau et en le développant. J’ai saisi des opportunités et petit à petit je construis de nouvelles offres en fonction des demandes et besoins. Je suis aussi proactive en proposant des ateliers de découverte de mon activité, j’agrandis également ma palette d’outils en continuant à me former.

Et si on l’appliquait à un de mes domaines de compétences favori, la conduite du changement dans les équipes, spécifiquement bien adapté dans les projets agiles.

Comment piloter l’incertitude ?

Ça démarre le plus souvent, d’une situation insatisfaisante ou une contrainte mais à ce stade, on n’a pas d’idée précise de la situation d’arrivée. On a conscience de la situation que l’on souhaite quitter mais pour aller où ? On part simplement d’une intuition et ce dont on peut être certain c’est qu’on va rencontrer de nombreux vents contraires.

Voici les ingrédients de l’effectuation qui me semble-t-il peuvent aussi être des facteurs clés de succès d’un bon accompagnement du changement.

Prendre conscience des forces en présence.

En tant que leader du changement, appliquer le principe de réalité, faire avec les moyens que l’on a, dans le respect du non-changement, des zones à ne pas franchir, des ressources qui sont là, des émotions qui s’expriment. On respecte l’écologie du système et des personnes qui seront concernées par le changement. Ce qu’on peut affirmer, c’est que les personnes et le système possèdent les ressources pour traverser le changement et se renouveler.

Ensuite, il va s’agir de communiquer, entrer en relation avec un grand nombre de personnes, toutes les parties prenantes pour les informer et pour les convaincre de monter à bord, de s’engager dans le changement et développer une vision ensemble. Au cours de nos échanges, on trouvera des ambassadeurs, des leaders du changement qui vont convaincre les autres, apporter de nouveaux arguments. Conduire les changements, c’est un processus social. On va sans cesse écouter, former, informer, argumenter, impliquer, co-construire.

Un autre principe de l’entrepreneur, raisonner en perte acceptable. Dans les changements, on s’attache à faire prendre conscience d’un risque de perte acceptable dans un premier temps pour libérer l’action et la capacité à proposer des idées, des innovations. Accepter de perdre quelque chose de défini (mon confort actuel, ma situation que je connais, l’outil qui est efficace aujourd’hui) pour un gain hypothétique au démarrage, sans connaître l’ensemble des gains escomptés. C’est en avançant par étapes et en partageant le risque et les gains escomptés avec d’autres que l’on franchira les délais incompressibles : délai de zone d’inconfort, les transitions individuelles et propres à chacun, la période d’appropriation.

Enfin, pour réduire l’incertitude quand on entreprend, on va réaliser des expérimentations, des essais avec un premier client dans une démarche de co-création et d’engagement. En conduite du changement, on va également expérimenter, co-construire, se mettre en action. On va engager des parties prenantes et élaborer avec les premiers early-adopters, des bouts de solution. Puis itérer, recommencer avec d’autres et peaufiner, définir ensemble la nouvelle situation souhaitée, le nouvel objectif, et ainsi nourrir la vision. Chaque obstacle, contrainte sera l’opportunité d’explorer et de renforcer la solution pour la maîtriser davantage. Comme en agilité, recueillir les feedbacks des futurs utilisateurs à chaque itération pour se perfectionner et éviter les effets tunnel.

En terme de posture, on pilote, on reste maître à bord, flexible, adaptable, en s’entourant d’expertises et de compétences. Une large part du projet n’est pas anticipable, on prend juste des décisions créatrices de valeur. On donne une direction, puis on observe son environnement, on est à l’écoute pour transformer son environnement petit à petit, pas à pas. En conduite de changement, tout ne peut être pensé à l’avance. C’est en grande partie dans l’action que l’on peut mesurer ce qui va favoriser le changement, l’accélérer, lever des freins.

Donc si je vous dis qu’en conduite du changement comme dans la démarche d’entrepreneuriat, il n’y a pas de plan d’action précis à suivre, juste des ingrédients de réussite et rester toujours à l’écoute de son intuition et des besoins. Facile, non ?